ENRIQUE VILA-MATAS LA VIDA DE LOS OTROS 
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Kadar


LEÇONS D'INQUIÉTUDE

PATRICK KÉCHICHIAN


Vila-Matas est un homme soigneux, et même méticuleux. Ce trait psychologique, qui est aussi un trait d'écriture, on peut le vérifier lorsqu'il avance en terrain connu. Mais ce qui est remarquable c'est que cette tournure d'esprit, et aussi de style, reste la même lorsqu'il progresse dans un espace parfaitement étrange ou étranger.

« Il y a un an, je me suis remis à écrire des nouvelles... », annonce l'un des narrateurs du livre de Vila-Matas, qui, on le sait bien, n'est jamais très loin de ses personnages. Comparées à ses romans qui creusent un sillon unique, ou en mal d'unification, les nouvelles de l'écrivain multiplient les entrées dans cet univers aux confins du connu et de l'inconnu. Scrupuleux et impavide, souriant et angoissé, bardé de références littéraires qui, paradoxalement, le fragilisent plus qu'elles ne l'assurent, doué d'une imagination qui cherche toujours sa raison : ainsi apparaît l'auteur catalan - « catalan comme la plupart d'entre nous », dit-il de l'un de ses personnages ! En grande empathie avec les Explorateurs de l'abîme mis en scène dans son dernier livre, il renouvelle, complique, à notre bénéfice, sa leçon d'inquiétude et de tremblement.

On ne peut pas résumer une nouvelle (ou un roman) de Vila-Matas. La progression funambulesque des histoires, la structure aérienne des intrigues, l'art de la digression et celui de l'autoréflexion, le goût du détail et des coïncidences, l'étonnement presque extatique face aux incongruités de certaines situations... Tout cela rend heureusement vains les exercices de synthèse. Comme cet homme qui navigue depuis dix-sept ans dans l'espace après avoir raté son point de destination - New York -, les personnages de Vila-Matas constatent qu' « il n'y a rien à voir, rien à penser qui ne procède de l'obscurité de l'intérieur de soi-même ».

Mais le noir n'est pas seulement la couleur de l'homme. « Un astronome de l'université d'Arizona » avait mené des recherches sur « la matière obscure » qui « occupe une grande partie de l'Univers ». « La matière commune qui, elle, est visible, en occupe cinq pour cent et le reste, c'est de l'énergie obscure. » Evidence scientifique, dira-t-on. Pas seulement. Donnée fondamentale d'expérience littéraire aussi, qui touche des « gens » (pas seulement des écrivains donc...) « désuets et très actifs, dont le lien avec le vide est désinhibé et direct ». Un autoportrait que l'on peut s'approprier.

Article paru dans Le Monde, dans l'édition du 14.06.08
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